"
Allen Iverson,
star de la NBA au tournant du millénaire – MVP en 2001 –, a annoncé le 1er
novembre l’arrêt de sa carrière de basketteur. Si l’on s’y intéresse
ici, ce n’est pas seulement parce qu’il a été le plus spectaculaire de sa
génération, le trait d’union entre les ères Jordan et Bryant."
Trait d'union entre Jordan et Bryant
? Kobe et Iverson ont pourtant tous les deux été draftés en 1996. Un peu
embêtant, une telle énormité dès la première phrase d'un article.
"Iverson a eu
durant ses 14 années sur les parquets de la NBA l’image d’un enfant
terrible. Présenté très jeune comme une future icône, sa carrière a été bien
moins riche en succès – une présence en finale NBA – que prévue."
Pour rappel, une partie du palmarès
d'Allen Iverson :
- Médaillé de Bronze aux JO de
2004
- Champion de la conférence
Est, vainqueur de la division Atlatique et Finaliste NBA 2001
- Rookie de l'année en 1997,
élu dans le 5 des rookies la même année
- MVP 2001
- Elu dans le meilleur 5 de la NBA
en 1999, 2001 et 2005, dans le second 5 en 2000, 2002 et 2003, dans le
troisième en 2006.
- Selectionné 11 fois pour le
All-star Game
- MVP du All-star game en 2001 et
2005
- MVP du Rookie Challenge 1997
- Meilleur marqueur NBA en 1999,
2001, 2002 et 2005.
- Meilleur intercepteur en 2001,
2002, 2003
- Second meilleur marqueur de
l'histoire des 76ers de Philadelphie
-
Futur Hall of Famer
Faible
palmarès, hein.
"
Il a aussi connu toutes sorte de déboires
judiciaires et financiers. Comment, un individu promis à une carrière
exceptionnelle en vient-il à se perdre, se mettre en danger pour finalement
annoncer sa retraite dans un relatif anonymat ?"
Relatif anonymat, je ne sais même
pas comment répondre à ça. Tous les spécialistes Américains ne parlaient que de
ça. Philadelphie toute entière n'attendait que ça. La seule chose qui a
"minoré" l'impact de cette annonce est le fait qu'il ne jouait plus
depuis quelques temps déjà.
"Allen Iverson a
grandi dans en Virginie, ancien Etat sudiste, où les séquelles de la
ségrégation raciale sont encore très présentes. Durant son enfance, la mère
d’Iverson élève seule son fils, le père de l’athlète étant décédé à seulement
27 ans et son beau-père effectuant de nombreux séjours en prison.
L’université grâce au
basket
Le jeune Iverson
connaît une enfance difficile dans le quartier disqualifié de Hampton. De ce
fait, l’enfance d’Iverson cristallise deux grands traits particuliers des
problèmes sociaux de population noire américaine : la précarité et
l’isolement social des femmes – plus de 60% des femmes noires américaines
vivent seule et dans une très grande pauvreté – et le taux d’incarcération plus
élevé que la moyenne chez les hommes – environ plus de la moitié des détenus
sont Afro-Américains.
A l’adolescence, Allen
Iverson lui-même se fait incarcérer pour une bagarre déclenchée suite à des
injures racistes proférées à son encontre. Innocenté par un témoignage, il
intègre un lycée pour jeunes en difficulté où il pratique intensément le
basket. C’est en se faisant repérer par un entraîneur de l’équipe de basket de
l’université de Georgetown qu’il pourra rejoindre l’établissement.
Cette entrée dans le
monde universitaire nous permet de revenir sur deux constats : d’une part,
le faible taux d’Afro-Américains entrant dans une grande université américaine,
et d’autre part, le fait que le sport est souvent leur seule filière d’accès à
ces mêmes universités. Par ailleurs, le fait d’intégrer une filière sportive
les fragilise d’autant plus sur le marché de l’emploi, puisqu’ils vont
surinvestir la pratique afin de d’être recrutés le plus tôt possible, réduisant
ainsi leurs chances de sortir diplômés et mieux armés au moment de la futur
reconversion."
Premier point :
Pour lutter contre les
"sous-diplômés", la NBA a établi un âge minimal pour s’inscrire à la
Draft.
Ensuite, des diplômes pour la
reconversion des athlètes, avant même que leur carrière ne commence. D'ou ça
sort? Ca existe ou ? Dans quel sport ? Dans quel pays ? Combien de basketteurs
sont doctorants ? Il y a des footeux Bac +3 ? Des Rugbymen titulaires de
Master ? Pas à ma connaissance.
Pour finir, et pour rappel, la
décision d'Iverson de s'inscrire "rapidement" à la draft vient aussi
du fait que sa famille avait besoin d'argent pour payer le traitement médical
de sa soeur....
"A contre-courant
d’une population blanche qui s’oriente dans des cursus parallèles à la pratique
sportive afin d’obtenir des diplômes plus en phase avec le monde des instances
décisionnelles du sport (entraineurs, managers, etc..), secteur idéal pour une
reconversion."
Bon, alors, même question, quel
basketteur blanc est diplômé de hautes études lors de sa draft? Sachant qu'ils
sont drafté au même âge que les noirs, hein, pas à 25 ans. Quel joueur
refuserait la draft NBA pour dire "non, mais attends, je finis mes études
comme ça dans 15 ans je serai assistant coach". Tout simplement n'importe
quoi.
"On compte de nos
jours 80% des joueurs d’origine afro-américaine en NBA alors qu’une dizaine de
managers sur 30 est issue de cette communauté. La part des Noirs
américains dans les institutions sportives est encore plus faible (aux alentours
de 22%)."
Et c'est parce qu'ils n'ont pas de
diplômes ça ? Rien à voir avec le plafond de verre ?
Un grand fragile à
l’étiquette de bad-boy
"Iverson, recruté
en première position à la draft, signe chez les 76ers de Philadelphie et
termine meilleur rookie – joueur de première année – de la saison en 1997. Il
signera un contrat publicitaire avec la marque Reebok qui le surnommera
« The Answer », en référence au départ de Michael Jordan qui avait
posé la question de sa succession.
Bien que talentueux,
Iverson est aussi présenté par les médias comme un joueur caractériel et
agressif, en raison notamment de ses disputes incessantes avec son coach de
l’époque, Larry Brown. Ses nombreux tatouages et son attrait pour la culture
hip-hop – il sort un album de rap jugé violent – lui collent l’étiquette de
bad-boy."
Présenté par les médias ? Parce que
c'est faux ? On parle d'un mec qui a sorti un flingue devant sa femme. D'un mec
qui jugeait que l'entrainement ne servait à rien. Mais son tempérament est une
présentation des médias ?
Iverson lui-même, lors de son
discours, a remercié ses différents coachs, et notamment Larry Brown, pour
l'avoir remis plusieurs fois dans le droit chemin.
"Lorsque sa femme
décide de divorcer et obtient la garde des enfants, le joueur bascule dans
l’alcoolisme. Sa fragilité le tuera sportivement. Les conditions
dans lesquelles il a grandi, communes à plus de 30% des Afro-Américains, ont
contribué à forger sa manière d’être que la NBA ne va pas manquer d’exploiter.
Dans un article
universitaire publié en 2012, le sociologue David Sudre et l’ethnologue
Matthieu Genty retracent la trajectoire de la communauté noire dans l’histoire
du basket américain. Ces chercheurs montrent comment la NBA a tiré son essor du
style de jeu développé par les Noirs américains et leur intégration
progressive."
Le basketteur noir,
objet de consommation
"A partir des
années 50, la NBA le premier championnat aux Etats-Unis au détriment du basket
universitaire, majoritairement blanc. Afin de produire un spectacle nouveau, le
NBA décide d’intégrer les premiers joueurs issus d’une équipe composée de Noirs
américains, les Globetrotters de Harlem, dont les prestations scéniques
connaissent un véritable succès.
Dès lors, le jeu
proposé au sein de la NBA change et se veut plus spectaculaire car improvisé,
rapide et physique. Il s’éloigne du style de jeu dit blanc, plus figé et
stratégique, et légitime la place des Afro-Américains dans le monde de l’élite
sportive nationale. Instantanément, le recrutement des joueurs de couleur
augmente en même temps que les revenus de la NBA."
Donc là, création de la NBA. On est
en 1946. Ok.
"Les nouvelles
icônes (« Magic » Johnson, Abdul-Jabbar, Jordan) permettent de
conserver des spectateurs majoritairement blancs, qui voient en eux
l’« American Dream » et la représentation positive du Noir américain.
Le basketteur noir à la fois « exotique » et « domestiqué »
devient un objet de consommation."
Abdul-Jabbar. Années 70. Magic.
Années 80.
Pas un mot sur les années 50 et ces
fameux "noirs". Les stars de l'époque : Red Auerbach (blanc), George
Mikan (blanc), Pistol Pete (blanc), Joe Fulks (blanc)....
Un bien beau travail de recherche et
de documentation, au jour ou, en deux clics, on peut vérifier ses dires.
"Mais ce que
soulignent avec pertinence Sudre et Genty, c’est qu’après le départ de Michael
Jordan, en 1998, la NBA se retrouve privée de modèle d’excellence, laissant
place à une représentation des basketteurs noirs beaucoup moins éclatante :
celle de la délinquance et de la précarité sociale des minorités, notamment à
travers Allen Iverson."
Bah oui, tiens, Kobe Bryant, Tim
Duncan, le Shaq, David Robinson, tous sont noirs, tous étaient des modèles, et
le sont encore. Lequel est un "délinquant" ? Ou alors, Noir =
délinquant ?
Le délit de faciès, c'est pas très
cool.
Le mythe du
délinquant noir
"A la fin des
années 90, la NBA propose une nouvelle représentation du basketteur noir, celui
issu du ghetto, dans le but de rendre son produit plus authentique aux yeux du
consommateur – essentiellement blanc. Son objectif est de capter la culture
urbaine qui connaît un grand succès à travers le mouvement hip-hop et les
débouchés économiques qui vont avec."
Kobe Bryant est alors le joueur le
plus mis en avant en NBA. Il est la star de l'équipe la plus populaire du
monde, les Lakers de Los Angeles.
Issu du ghetto ? Non, élevé en
Italie, par un père professionnel.
Et la culture du bad boy, c'est pas
plutôt les...Bad boys, de Detroit, de 1987 à 1990 ?
"En quelque
sorte, Allen Iverson va représenter une nouvelle forme d’exotisme, celui du
mythe du jeune délinquant noir en quête de réussite. L’organisation de la NBA
maintiendra le joueur le plus longtemps dans cette représentation – diffusion
des faits extra-sportifs, hyper-médiatisation des relations conflictuelles
entraîneur-joueur – et en tirera le maximum de bénéfices."
Bien sur. C'est probablement pour ça
que les "Jailblazers" (surnom donné à l'équipe de Portland à cause de
ses nombreux joueurs ayant des antécédents judiciaires) ont connu un tel succès
populaire....
"A travers le
récit de vie d’Allen Iverson, on constate une fois de plus que le monde du
sport de haut niveau, et notamment du sport spectacle, ne permet pas à des
individus socialement fragiles de s’affranchir totalement de leur condition. Au
contraire, cette vulnérabilité peut être exploitée à des fins marchands et
l’impératif du professionnalisme est de produire du spectacle sans se soucier
de la condition du champion."
Oh mon dieu, la NBA, ce ne serait
que des capitalistes à la recherche de bénéfices ?
Je suis vraiment très surpris par
cette nouvelle.
Heureusement qu'un article si bien
travaillé est là pour me l'apprendre.